Notre chambre à coucher se trouvait dans les combles. Vraisemblablement une ancienne chambre de bonne, elle était équipée d’un fourneau noir situé à gauche de la porte. Devant le fourneau, contre le mur latéral, se trouvait le lit de ma mère. A droite de la porte, contre le mur latéral, étaient alignés une armoire peinte en blanc et mon petit lit à barreaux, blanc également. Quand j’étais dans mon lit, j’avais la vue sur une petite fenêtre dans le mur extérieur. A côté de la fenêtre, il restait juste la place pour le lit de mon père.

Je devais prier Dieu tous les soirs pour qu’il m’envoie un ange qui devait rester à côté de mon lit et voir dans mon cœur. Mais je n’ai jamais vu d’ange près de mon lit. Au cas où il y en aurait eu un qui voyait des choses dans mon cœur, cela m’aurait intéressée de discuter avec lui. L’ange aurait surtout pu me protéger contre le méchant loup.

En fin d’après-midi, ma mère faisait souvent un petit feu dans le fourneau pour qu’il ne fasse pas trop froid quand je devais aller au lit. Ma mère ne savait pas, mais moi, je savais que ce fourneau n’était un fourneau que pendant la journée, mais la nuit, il se muait en méchant loup, celui du petit chaperon rouge. Tous les soirs, je devais rejoindre le loup. C’était très pénible. Le loup m’avait dit que j’étais seule à savoir que ce que tout le monde prenait pour un fourneau, c’était en fait lui. Cela était notre secret entre lui et moi, et si j’osais en parler à un adulte, il me mangerait pour sûr. Mais il ne m’avait pas dit non plus qu’il ne me mangerait pas si je ne disais rien. Je n’osais pas m’endormir. Quand ma mère venait plus tard pour se coucher, je criais jusqu’à ce qu’elle me prenne avec elle dans son lit. Néanmoins, la plupart du temps, je me réveillais le matin dans mon lit à barreaux. Je ne savais pas comment cela se faisait. Néanmoins, c’était une nuit de gagnée, sans me faire manger.

Ma mère me racontait beaucoup d’histoires, elle m’avait aussi raconté l’histoire d’un enfant qui ne pouvait pas dormir et qui, pour sortir de la chambre, s’était avancé sur un rayon de lune pour rencontrer les étoiles. J’aimais beaucoup cette histoire. Un soir sans nuages, où la pleine lune était juste devant la fenêtre, j’ai voulu m’en aller sur les rayons de lumière de la lune. Le méchant loup ne pourrait pas me suivre. J’ai réussi à sortir de mon lit à barreaux, j’ai tiré un tabouret vers la fenêtre, je suis montée dessus et j’étais juste en train d’ouvrir la fenêtre quand ma mère, probablement alertée par le bruit, est arrivée depuis derrière et m’a enlevée du tabouret. Elle voulait savoir ce que je faisais là, je lui ai expliqué que je voulais partir rencontrer les étoiles sur un rayon de lune. Je n’ai pas parlé du méchant loup, sinon il nous aurait mangées toutes deux.

Le lendemain, la fenêtre était clouée. Le loup était évidemment toujours là. Je continuais à faire ma prière tous les soirs. Cela ne servait à rien. Aucun ange n’est jamais venu pour me protéger contre le loup, aucun ange ne s’est jamais intéressé à la peur que j’avais dans mon cœur. Peut-être Dieu, au lieu de m’envoyer un ange, m’avait-il envoyé le loup. Pourquoi aurait-il fait cela ? Peut-être pour m’apprendre à affronter la peur.